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Les 4 de l'apocalypse (I Quattro dell'apocalisse), Lucio Fulci (1975)
Western spaghetti relativement tardif, Les 4 de l'apocalypse est un film assez atypique, le genre de truc à vous laisser un peu perplexe une fois le générique final à l'écran. On ne saurait trop dire ce qui provoque cette perplexité ; est-ce le scénario, un brin décousu, bifurquant sans cesse d'une tonalité à une autre, abandonnant un temps les enjeux que l'on croyait primordiaux avant de les résoudre le temps d'une scène à la fin ? Ou alors le singularisme des héros ? Peu importe finalement : Les 4 de l'apocalypse est franchement unique en son genre, et, rien que pour ça, mérite franchement le coup d'oeil.
Les "quatre de l'apocalypse" du titre sont des losers, des marginaux. Fabio Testi, toujours classieux, campe un tricheur invétéré, qui a basé sa vie sur le mensonge, et qui, de ce fait va seul de ville en ville pour enchaîner les parties de cartes. La magnifique Lynne Frederick (qu'on peut notamment entrevoir dans le sympathique Cirque des vampires de la Hammer) est une prostituée, enceinte de surcroît. Harry Baird, est lui un Noir simple d'esprit, qui aime par-dessus tout parler aux tombes. Enfin, Michael J. Pollard (Tango & Cash, American Gothic, House of 1000 corpses...), alcoolique incorrigible, qui ne vit que pour la bouteille, complète ce quartet de freaks. Nous sommes donc bien loin de l'archétype eastwoodien introduit par le Pour une poignée de dollars de Sergio Leone qui prévalut longtemps chez nos amis italiens. Rassemblée par le massacre purgatif de toute une ville, la fine équipe, dont les membres ne se connaissent ni d'Eve ni d'Adam vont pourtant devoir s'entendre tant bien que mal pour filer au Sud et recommencer à zéro une existence bien mal engagée. C'est là qu'intervient Chaco (Tomas Milian), bandit mexicain...
La majeure partie du film consiste à nous montrer l'errance du groupe, privée la plupart du temps d'abri et de nourriture, et en proie à la maladie et à la mort. L'occasion pour le duo Fulci / Salvati - qui livra les grandes réussites esthétiques que sont L'Emmurée vivante, L'Enfer des Zombies et Frayeurs - d'illustrer de fort belle manière les scènes se passant sous le soleil pesant du désert, sous la pluie battante d'une cité fantôme ou sous la neige d'une ville naissante. Le tout porté par une très belle musique de Fabio Frizzi, collaborateur fétiche de Fulci, et parfois par une tripotée de chansons folk très 70's, qui ajoutent au côté décalé du film.
Loin de s'épancher sur les aspects violents de l'histoire, même si deux-trois scènes témoignent du goût de Fulci pour l'hémoglobine, le réalisateur surprend en développant la relation entre Fabio Testi et Lynne Frederick de très belle manière (si un jour on m'avait dit que Fulci allait m'émouvoir avec une histoire d'amour...), créant de bien belles images qui mettent également en valeur les deux autres membres du groupe, notamment lorsque Bud, le simple d'esprit, nu, sous la pluie, parle aux défunts dans un cimetière... Tout pousse à s'attacher aux personnages, chose toute simple mais finalement assez rare dans le western spaghetti, qui fonctionne avant tout par archétypes (sans que cela soit forcément un défaut, il suffit de regarder Le Grand Silence de Corbucci).
Les 4 de l'apocalypse, loin d'être exempt de défauts - le personnage de Chacos, notamment est sous-exploité, le rythme volontairement calme, berce tellement qu'il risque parfois d'endormir, et une certaine vacuité scénaristique se fait parfois lourdement ressentir - est donc un western qui outrepasse sa condition pour donner à voir, avant toute chose, une ode à la vie et à la différence. Pas un chef d'oeuvre, mais une oeuvre à voir absolument, ne serait-ce que pour sa beauté formelle et sa volonté de se dégager du carcan du western italien. Et aussi pour Lynne Frederick...
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disponible en dvd zone 2 français