Alien, la créature des abysses
Alien, la créature des abysses (Alien degli abissi), Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson - 1989)
Ce qui est vraiment drôle avec le bis italien, c'est que lorsqu'il s'agit de contrefaçon filmique, les titres démentent rarement le délit : Les Guerriers du Bronx piochent dans Les Guerriers de la nuit de Walter Hill ; Zombi 2 se veut la suite officieuse du chef d'oeuvre de Romero ; Cruel Jaws de Bruno Mattei se contente de plagier mollement Jaws de Spielberg, etc... Une telle roublardise est si candide qu'on en vient à la pardonner avec un sourire d'absolution - au moins les producteurs ne se voilent pas la face, au contraire d'authentiques arnaques comme le Leviathan de Cosmatos qui repompe quasiment plan par plan Alien, le huitième passager (en moins bien, voire en très nul). Alien, tiens, parlons-en, ou plutôt parlons de ce Alien, la créature des abysses, concocté par Antonio Margheriti en pleine période de déclin du cinéma de genre italien.
Un Margheriti que l'on devine bien peu concerné par ce film qui sent à plein nez le produit torché à la va-vite. Difficile en effet de ne pas froncer les sourcils lorsque les trois premiers quarts d'heure ne font pas une seule mention au monstre qu'une affiche aguicheuse nous promettait (sorte de mélange entre un motard et une écrevisse), et qu'en guise de mise en bouche, nous avons droit à une molle histoire d'enquête écologique menée par une journaliste et un chasseur de serpent au sein d'une usine atomique posée sur le flanc d'un volcan (je pense qu'il faut flinguer le responsable de la sécurité, d'autant qu'on rentre dans ce complexe comme dans un moulin). L'observateur accompli remarquera la présence de Charles Napier, grand baroudeur du cinéma, en colonel borné et colérique. Il notera également la fascination certaine qu'accomplit sur les personnages du film la bière (les scientifiques boivent de la bière en travaillant, on dupe les gardes en leur en promettant...). Après cette première partie mollassonne, les choses s'emballent (un peu) lorsqu'arrive l'élément perturbateur du film : l'alien.
Et bien autant dire que la déception est de mise, puisqu'en guise de monstre, nous avons droit à une pince géante qui tente vaguement d'effrayer les acteurs en s'agitant et en leur envoyant de la fumée sur la figure, sans oublier de les contaminer au passage, on ne sait trop comment. Jusqu'à un final proprement hallucinant où l'on voit - enfin ! - la bête en entier se livrer à un remake du combat final d'Aliens où Ripley se mesurait à la reine Alien en endossant un exosquelette. Sauf qu'ici la reine est remplacée par un grand mannequin rigide et amorphe, qui impressionne à peu près autant que les géants qui roulent leur carcasse sur les carnavals du Nord de la France, et Ripley par deux nigauds en bulldozer. Rien que pour ça, ça vaut le coup, surtout que le monstre n'esquisse absolument aucun mouvement de défense (mettez vous à sa place aussi, vous feriez quoi contre deux bulldozers ?). Toujours est-il que c'est un simple lance-flammes qui précipitera la perte du géant inamovible. Le tout est donc sympathiquement nazebroque, mais n'est malheureusement même pas relevé par un gore plutôt rare et très timoré...
Autre grand moment de n'importe quoi, la chute d'un des protagonistes, subitement métamorphosé en mannequin en mousse qui crie très fort. Vous l'aurez donc compris, Alien, la créature des abysses vaut exclusivement pour ces instants de bonheur coupable, instants qui se méritent vraiment car il faut rester en éveil pendant quasiment une heure avant d'entrevoir autre chose qu'un ersatz de film de jungle complètement fauché, et surtout sans grande imagination. Un comble pour un film de Margheriti, habitué à nous régaler avec des ambiances gothiques dont il a le secret...