Dernier face à face, Le
Le Dernier face à face (Faccia a faccia), Sergio Sollima (1967)
Le Dernier face à face met en scène deux personnages antithétiques réunis par hasard, et qui vont peu à peu devenir si proches, qu'ils inverseront leurs rôles respectifs. Le premier, Solomon Bennet, dit "Beauregard" (Milian), est l'un des rares survivants de la Horde Sauvage, capturé par les autorités et mûr pour le tribunal. Cette brute épaisse trouve sur son chemin le professeur Brett Fletcher (Volontè), dont la naïveté philantropique va lui permettre de s'échapper des griffes de son escorte. Fuyard bien malgré lui, le doux et cultivé professeur va progressivement sombrer dans la violence.

Le Dernier face à face appartient à cette veine de westerns psychologiques qui se propose d'observer scrupuleusement l'évolution de ses personnages. Ici, l'analyse est compexe et parfaitement menée. La réflexion menée par Sollima sur la justice et le droit, la violence, et sur les causes de cette violence est illustrée par des scènes justement écrites et superbement mises en image. En effet, au fil du scénario, Brett, duquel nom on notera au passage la quasi-homophonie avec celui de Benett, va se retrouver poussé à bout, d'abord par son compagnon, qui lui reprochera souvent sa faiblesse, notamment dans une scène-clef où l'intellectuel se trouvera incapable d'extraire une balle du corps du bandit, qui s'opérera lui-même.
Poussé à bout par lui-même ensuite : c'est d'abord les reproches de son entourage (Bennet, mais aussi ses anciens collègues) qui vont lui faire prendre conscience de sa lâcheté passée ; c'est ensuite la griserie que lui procurera le colt, qui lui donnera goût à la puissance. Enfin, le dernier volet de sa chute (ou ascension, selon son point de vue) sera le viol d'une femme, suivi d'une lutte avec le mari. A la fois hautement intelligent et férocement primitif, Brett devient un leader craint et sadique, au contraire de Bennet, qui en observant l'évolution de son compagnon, s'assagit. La relation entre les deux personnages trouve son point d'orgue dans un final éblouissant et tétanisant, qui, comme un symbole, prend pour cadre le désert, endroit neutre qui va permettre aux deux protagonistes de s'expliquer.

Sollima parvient toujours à rester cohérent dans son propos. L'évolution des personnages se fait par à-coups, au travers de crises, mineures ou majeures. De la même manière, le réalisateur donne une vision très forte du mythe de l'Ouest : le Texas est peuplé de brutes écervelées, incapables de profiter de leurs terres, et préférant se reposer sur leurs armes.
Magnifiquement mis en images dans un Scope somptueux, ponctué de scènes excellentes (le braquage qui rate pour un détail, la fuite dans le désert, etc...), porté par la musique de Morricone et des acteurs parfaits (outre Milian et Volontè, citons aussi William Berger, dont le rôle d'espion est très important dans l'évolution des deux personnages principaux), Le Dernier face à face est sans doute l'une des plus grandes réussites du western italien, doublé d'un film fondamentalement désespérant.
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disponible en DVD zone 2 FR