Emmurée vivante, L'
L'Emmurée vivante (Sette note in
nero / The Psychic), Lucio Fulci (1977)
Réalisé en 1977, soit deux ans avant son
premier grand coup d'éclat, L'Enfer des Zombies, L'Emmurée vivante
est une habile enquête policière, matinée
d'un soupçon de giallo. C'est sur cette enquête que
repose essentiellement le film: Virginia Ducci (Jennifer O'Neill,
aussi présente dans Scanners de Cronenberg, et, au vu
de sa prestation dans ces deux films, carrément sous-utilisée
par le cinéma) est en proie à une vision qui se compose
de plusieurs éléments (un magazine, une femme morte, un
homme boîteux, etc... et sept petites notes de musique dans le
noir... ). Grâce à cette vision, elle découvre un
squelette emmuré dans la maison de campagne de son mari. Reste
à savoir qui est cette femme et qui est son bourreau; pour
cela, Virginia pense pouvoir exploiter sa vision..
Le scénario est plutôt habile, et le film nous égare en même temps que les protagonistes sur le chemin de la vérité; malgré tout, de certaines lourdeurs ponctuent la narration: en effet, à chaque vision qui se concrétise, Fulci en rajoute une couche (par exemple, Virginia voit le magazine: hop, on revoit la vision avec le mag... ). Au moins on n'est pas perdu, mais bon, n'empêche, ça alourdit pour pas grand chose, d'autant que c'est déjà souligné par un vigoureux zooooom sur les - magnifiques - yeux de - la magnifique - Jennifer O'Neill. Bref, un bon scénario, captivant, qui délivre sa clef lorsqu'il le faut, ce qui permet au film de s'emballer dans la dernière demi-heure.
En fait, là où Fulci fait fort, c'est dans le jeu lumière / ombre (la scène où Rospini descend l'escalier et que Virginia se cache dans l'obscurité est un modèle du genre), et le travail sur les couleurs (omniprésence du rouge). Il s'agit vraiment d'un exercice de style à la Dario Argento, aux antipodes des derniers films du maestro, visuellement très moches (Soupçons de mort, Nightmare Concert – certes, il s'agit de direct-to-video, mais cela n'empêche). Esthétiquement donc, ça arrache. Mais gros point noir, Fulci nous refourgue l'effet spécial le plus moche de tous les temps, qu'il avait déjà utilisé de la même façon dans La Longue nuit de l'exorcisme, c'est-à-dire le mannequin en mousse de la mort qui tue. Franchement Lucio, ben fallait pas...
Véritable labyrinthe scénaristique, L'Emmurée vivante met aussi en image les dédales psychologiques de son héroïne en proie au doute; ainsi, on note la présence de beaucoup de jeux de miroirs, symboles du moi en perdition (de quel côté suis-je?), et d'une scène que je trouve mythique. SPOILER Virginia, au début, roule en voiture. Elle franchit un tunnel puis un deuxième. Lorsqu'elle rentre dans le troisième tunnel, celui-ci semble être interminable. C'est alors que la vision survient. Une fois revenue à elle, Virginia est sur le bas-côté de la route, réveillée par un policier. Lorsqu'elle se retourne, le tunnel est en fait extrêmement court... SPOILER Ce n'est pas grand chose mais c'est estomaquant...
Dédale temporel aussi, avec la constante
impression de flotter entre présent, passé et futur.
D'ailleurs, lorsque Virginia enlève les draps des meubles de
la fameuse pièce, elle commence par découvrir un
portrait (image du passé), puis un miroir (reflet du présent),
SPOILER et
là survient une réminiscence de la vision (image du
futur; je spoile je spoile
mais vous direz pas que vous n'avez pas
été prévenus...) SPOILER...
Un film labyrinthique donc, loin des excès
gores du Fulci que l'on connaît (même si ça saigne
un poil à la fin), porté par une musique à la
hauteur et qui possède en outre un final diablement efficace.
Un Fulci méconnu et à découvrir absolument.
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Disponible en dvd zone 2 français.