Enfer des Zombies, L'
L'Enfer des Zombies (Zombi 2
/ Zombie flesh eaters / Gli ultimi zombi / Zombie),
Lucio Fulci (1979)
Ce film respire la puanteur. Claustrophobe, suant, sale,
pourri. L'enfer des zombies est une ode à la
pourriture, à la décomposition des corps. Un film qui
vous pose un réalisateur. Car attention, le film n'est pas
moche; il est d'une saleté soignée, entretenue du début
à la fin. Une photographie aux tons marrons, des acteurs
transpirants, mal rasés, des blessures cradingues, qu'ont sent
infectées irrémédiablement, déjà
bouffées par la gangrène. Et des zombies. Loin des
zombies à visages humains de Romero, les zombies de Fulci sont
pourris jusqu'à la moelle, mutilés, n'ont rien des
miroirs que nous tend Romero. Tous sont privés de leurs sens:
aucun ne présente de regard (yeux mutilés, absents ou
tout simplement fermés), on voit clairement des oreilles
arrachées (notamment le zombie qui déambule seul au
milieu du village). Dénués aussi de gôut pour la
chair humaine (le "festin" constitué par Olga
Karlatos est d'une tristesse dérangeante, comme si les
morts-vivants mangeaient sous la contrainte). Sont-ils conscients de
leur condition? peu importe, ces zombies-là ne sont pas bien
dans leur peau...
Pour les pète-secs qui persistent à
considérer Fulci comme un amuseur dégoûtant et
sans talent (cf. les différents dicos de cinéma
généralistes, absolument abjects de condescendance), je
les enjoins fortement à visionner certains plans, tels que le
crabe qui parcourt l'écran de droite à gauche, tandis
qu'au fond, un mort-vivant déambule, de sa démarche
hésitante, trébuchante; ou encore le plan précédant
la célèbre énucléation de Karlatos,
lorsque seule la partie droite de son visage est éclairée,
mettant en valeur la vie qui s'échappera bientôt à
cause de l'écharde, pointant au premier plan; et enfin le
tétanisant plan final...
Du début à la fin,
L'enfer des zombies constitue une boucle. Première
scène dans l'hôpital crasseux, le professeur abat un
cadavre "fraîchement" revenu à la vie. Scène
qui se répétera maintes fois au fur et à mesure
que l'intrigue amassera les autochtones victimes de zombification.
Première vraie apparition d'un zombie à New York, par
ailleurs superbement filmée: il est seul, et ne gôute
pas longtemps au rêve américain, puisqu'un officier s'en
débarrasse après de vaines sommations. Mais le mal est
fait, il a déjà fait une victime. La brèche est
ouverte, comme le confirmera la fin du film. La civilisation
occidentale moderne est d'ores et déjà contaminée
par le paganisme vaudou. D'ailleurs, dans la cale du bateau isolé
dont le gros zombie surgit, l'opération de perversion s'est
déjà opérée de manière certes plus
intime: la nourriture est pourrie par les vers, les mouches volent
et, plus surprenant et plus représentatif de cette
contamination, le piano, symbole du raffinement est le siège
d'une couvée de vers (limaces?) énormes et proprement
dégueulasses.
Pur film d'exploitation, pondu dans la
foulée du succès du Zombie de Romero, oeuvre de
commande par excellence (la production comptait refiler le scénario
à Enzo G. Castellari) L'enfer des zombies n'en est
pas moins un formidable terrain d'expression pour le talent et les
obsessions lovecraftiennes de Fulci, dont il s'agit içi de la
première incursion dans l'horreur pure. Chapeau bas maestro.
La scène la plus couillue de l'histoire du
bis rital: requin contre zombie: Fight!
Olga Karlatos avec ses deux yeux.
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Disponible en dvd zone 2 français