... Et le vent apporta la violence
...Et le vent apporta la violence (E Dio disse a Caino), Antonio Margheriti (1970)
Margheriti livre là un bien étrange western, il n'y a aucun doute là-dessus. Si le canevas de base est somme toute assez convenu (Gary Hamilton - Klaus Kinski, visiblement peu concerné par son rôle, qu'il tient pourtant honorablement grâce à son charisme naturel - sort de dix années de travaux forcés injustifiées; il va bien sûr s'appliquer à se venger sur l'homme qui l'a fait accuser à tort), c'est par son traitement totalement hybride que Et le vent apporta la violence va se distinguer de la masse.
Je dis traitement hybride, car il est impossible, en regardant le film, de ne pas penser au moins au détour d'un plan à un autre genre dans lequel Margheriti a officié , avec notamment La vierge de Nuremberg (1963): le film d'horreur gothique. L'atmosphère qui se dégage l'ensemble du film est en effet fortement teintée des attributs de ce genre. Dans les décors d'abord, qui arborent moult chandeliers et un mobilier qui ne dépareillerait pas dans un vieux Bava. Le personnage de Kinski est en outre clairement assimilé à un fantôme: se tapissant dans l'ombre, surgissant d'un trappe, faisant sonner les cloches de l'église, il est en deux mots invisible et insaisissable. Une scène marquante est également empruntée au sadisme du film gothique italien: lassés d'entendre la cloche sonner, les poursuivants d'Hamilton tentent de la décrocher en en coupant les cordes; mais un infortuné passe juste en-dessous et se fait agripper la jambe par Kinski, dont le bras surgit de dessous une trappe. Le malheureux voit donc ses jambes écrasées par la chute de la lourde cloche...
En plus de cela, le scénario, qui plonge la petite ville dans l'attente d'une tornade annoncée pour la nuit (d'où le titre français), établit un parallèle intéressant entre l'arrivée de la dite tornade et celle de Hamilton, qui va effectivement tout balayer sur son passage. Dommage que la tornade en question se résume à des envolées de poussière... Mais justement, la tornade attendue n'est-elle pas Hamilton lui-même, ce que certaines de ses répliques laissent à penser? Cette connexion Hamilton / tornade est en tout cas bien vue et renforce le caractère surnaturel du personnage. La référence biblique que laisse supposer le titre et la dernière scène du film - Abel et Caïn - n'est quant elle que très basiquement exploitée - voilà pourquoi je préfère le titre français au titre original...
La vengeance d'Hamilton se déroule intégralement dans la nuit noire, ce qui permet au réalisateur de laisser parler son savoir-faire en matière d'éclairages et de gestion de l'ombre, livrant un film esthétiquement très beau, mais pas aussi génialement que peuvent l'être Opération Peur ou Les trois visages de la peur, pour citer de nouveau le maître ès-esthétisme italien, Mario Bava. D'ailleurs, Margheriti se laisse parfois aller à des mouvements de caméra et à des cadrages du plus mauvais goût, notamment au tout début du film, à tel point qu'on arrive à se demander si ces scènes sont effectivement de lui, ou simplement l'oeuvre d'un tâcheron tremblotant de la seconde équipe. En ajoutant à cela quelques passages un peu longuets et des acteurs, Kinski mis à part, assez mauvais (surtout Peter Carsten, qui cabotine à mort), et on obtient un film qui vaut surtout pour l'originalité de son traitement et ses fulgurances de beauté déstabilisantes. A voir.