Gregory, Mark
Mark Gregory : un homme au service du bien
Repéré très jeune dans un gymnase par Enzo G. Castellari, en vue de la production des Guerriers du Bronx, Marco di Gregorio trouva là le rôle de sa vie : Trash, le chef des motards, un des gangs qui règnent dans l'enfer post-apocalyptique du Bronx, abandonné par les forces de l'ordre et laissé aux main des voyous. Qui pourrait en effet aujourd'hui imaginer une seule seconde le valeureux Trash incarné par un acteur - euh, par un autre acteur, excusez le lapsus - ? Il est certain que le film perdrait alors 50 % de son intérêt, et n'aurait sans douter pas connu de suite.
Regard doucement bovin, crinière indescriptible, expression faciale inquiétante d'inamovibilité, démarche singeant celle du flamant rose - la faute à des bottes trop étroites, silhouette curieusement efféminée mais arborant néanmoins des muscles saillants : la découverte de Trash dans Les Guerriers du Bronx tient du choc. Comment imaginer ce grand gamin en leader d'un groupe de motards assoiffés de violence ? Pourtant la magie opère grâce à l'esthétique crypto-gay que Castellari insuffle à son film, et surtout au fun global qui ressort du tout. Il faut dire que le doublage français "à la Stallone" du personnage, qui détonne complètement avec le visage inoffensif et l'allure empruntée du personnage, fait de Mark Gregory une figure encore plus singulière.
Fort de son succès, le duo Castellari / Gregory remet le couvert un an plus tard dans une suite plus tournée vers l'action. Dès les premières minutes, le ton est donné : Mark Gregory explose un hélicoptère de quelques balles de colt bien sentie. Trash is the man. Les répliques fusent, à base d' "enculés", de références à la pratique onaniste, et de contorsions faciales démentes. A la fin, Trash décime pratiquement à lui tout seul toute une armée qui comptait détruire le Bronx pour en éliminer la vermine, et en découd avec le grand Henry Silva. Malheureusement, le troisième volet ne verra jamais le jour, au grand dam des fans du monde entier, qui doivent désormais s'habituer à voir Mark Gregory sous la peau d'un autre personnage encore plus génial : Thunder, l'Indien rebelle.
Réalisé par Fabrizio de Angelis, le premier Tonnerre voit Mark Gregory arborer la bannière indienne dans une grande fable humaniste qui reprend la trame générale de Rambo - premier du nom. De retour du Vietnam, le pacifique Tonnerre prend les armes lorsque les autorités décident de raser un cimetière indien pour construire par-dessus. Humilié par les péquenauds du coin, maltraité par la police, Mark Gregory transcende son personnage en en faisant un adepte du mutisme forcené et militant : Tonnerre ne s'exprime en effet quasiment jamais, et surtout pas quand il le faudrait. Ainsi, lorsque le directeur des opérations consent à le recevoir pour l'écouter, le brave Indien ne dit mot et se fait tirer les vers du nez pour exprimer sa requête. Comme on s'en doute, tout cela finit mal pour les vilains spéculateurs, et Tonnerre n'hésite pas à y aller au bulldozer pour tout casser.
Dans Thunder 2, le guerrier rebelle, encore dirigé par De Angelis, Mark Gregory livre encore une performance excellente ; cette fois, Tonnerre, qui en France devient pour l'occasion Thunder, revient au pays qu'il avait quitté à la fin du premier opus sous l'uniforme de la police, bien décidé à faire régner la justice. Seulement, les forces de l'ordre qui l'avaient humilié précédemment, ne voient pas la chose d'un très bon oeil et décident de fomenter une machination pour évincer Thunder et en finir définitivement avec ce grand benêt. Comme d'hab, suivant la dialectique tonnerrienne, Mark Gregory subit les pires humiliations en serrant les dents avant d'exploser et de tout détruire. Voir Mark Gregory revêtir l'uniforme est un de ces plaisirs de la vie qui nous font voir les forces de l'ordre d'un autre oeil. Un troisième volet verra encore le jour.
Ce qui frappe dans l'interprétation de Thunder par Mark Gregory, c'est l'implication de l'acteur, qui n'hésite pas à se faire lui-même traîner par une jeep dans le sable d'un désert, ou à se cramponner de toutes ses forces à un hélicoptère en plein vol, tout en arborant un rictus de terreur bien compréhensible. Implication qui évita sans doute à De Angelis de faire appel aux coûteux services d'un cascadeur ou d'un mannequin en mousse, et qui permet à Mark Gregory de devenir un emblème pour tous les spectateurs du monde entier, sadiques par essence. Voir ce grand échalas prendre tous les risques pour nous distraire est en effet un motif de pur plaisir.
Hormis ces deux sagas épiques, Mark Gregory donna dans le film de guerre tendance Rambo 2, et incarna même Adam - le compère de Eve - dans un téléfilm. Depuis War Bus 2, il a complètement disparu du circuit, et c'est bien dommage, car ce grand garçon mal assuré est sans doute le reflet d'une certaine sorte de pureté cinématographique - bien que Gregory ait toujours déclaré ne pas aimer faire l'acteur...
Il n'empêche que la trop courte carrière de Mark Gregory laisse un sentiment de frustration, un vide bien compréhensible au vu de ses prestations globales. Personnage atypique, immédiatement reconnaissable, il restera à jamais le symbole d'un cinéma décomplexé qui n'hésita jamais à verser dans l'excès esthétique (en témoigne sa chevelure imbitable qu'il conserva dans tous ses films) ni dans le kitsch extrême.
So long, Trash.
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Filmographie :
Les Guerriers du Bronx, Enzo G. Castellari (1982)
Adam et Eve (TV, 1983)
Les Guerriers du Bronx 2, Enzo G. Castellari (1983)
Tonnerre, Fabrizio de Angelis (Larry Ludman) (1983)
Thunder 2, le guerrier rebelle, Fabrizio de Angelis (1985)
Delta Force Commando, Pierluigi Ciriaci (1987)
Thunder 3, Fabrizio de Angelis (1988)
Un Soldato Maledetto, Ferdinando Baldi (1988)
Missione finale, Ferdinando Baldi (1988)
Warbus 2, Pierluigi Ciriaci (1989)