Guerriers du Bronx 1 et 2, Les
Les Guerriers du Bronx (1999 : i guerrieri del Bronx) et Les Guerriers du Bronx 2 (Fuga dal Bronx), Enzo G. Castellari (1982 et 1983)
En 1982, sans forcément que l'on s'en aperçoive, Enzo G. Castellari, l'illustre auteur de Keoma, lâche une bombe sur la face des cinéphiles de tous bords. Son nom ? Les Guerriers du Bronx. Bon, d'accord, j'exagère peut-être un peu (mais juste un poil alors), mais encore aujourd'hui, découvrir ce film tient purement de l'expérience mystique.


Dans un Bronx désert et dévasté, livré aux mains de gangs rivaux, une jeune femme court, visiblement perdue. La menace se précise : elle est poursuivie par un membre des Zombies. Déterminés à jouer un peu avec, ces derniers ne se doutent pas que, quelques instants plus tard, c'est Trash, le chef des Riders (les Hell's Angels du futurs), qui va s'occuper d'eux. Et ça va faire mal. La jeune femme s'avère en fait être la fille d'un richissime fabriquant d'armes. Trash la prend sous son aile, ne se doutant pas encore que le gouvernement déploie ses forces pour récupérer la fille... De retour à son QG, Trash découvre le cadavre d'un des membres de son gang ; ses soupçons se portent immédiatement sur le gang de l'Ogre (Fred Williamson, génial)...
Vous l'aurez deviné au vu de ce résumé, Les Guerriers du Bronx fait plus que lorgner vers New York 1997 de Carpenter et Les Guerriers de la nuit de Walter Hill, il louche carrément dessus. Ceci étant, le scénario étant loin d'être l'intérêt principal de ce film, évitons de lui distribuer un blâme d'office. D'une part, nous assistons ici à la naissance d'une icône, Trash (cf. article Mark Gregory dans la section "Acteurs"), et cela seul serait suffisant pour rendre ce film indispensable. D'autre part, Les Guerriers du Bronx impose un esthétisme de pacotille du meilleur aloi. Il faut voir Trash et sa bande arpenter le bitume sur leurs motos ornées de têtes de mort en plastique, ou admirer le look des différents gangs, tous plus cheaps les uns que les autres, mais n'omettant jamais d'être criards au possible - sans quoi ce serait juste moche, pour se rendre vraiment compte de l'ampleur du travail effectué par les costumiers.
Un design global qui s'accorde totalement avec le sous-texte crypto-gay qui parcourt le film : Trash pleure à chaudes larmes la mort de son camarade, mais semble se ficher comme une guigne de celle de sa douce ; il ignore noblement les piques sexuées de la chef des Dancers (sorte d'émules d'Orange Mécanique qui affectionnent les claquettes et les chorégraphies). Le look parfois très Village People des Riders, tout en moustache proéminente, en cuir et en muscles saillants, n'arrange bien sûr pas les choses. En cela, Les Guerriers du Bronx transcende le simple aspect kitsch que l'observateur peu attentif pourrait lui accorder. Grâce à la concordance parfaite du fond et de la forme, Castellari livre une véritable sucrerie qui se déguste le sourire aux lèvres et les yeux émerveillés du décalage constant entre l'image que le film semble se donner (d'après les affiches et le pitch de départ : un film d'action ultra-violent) et celle qu'il transmet effectivement.
Et le film en lui-même, me direz-vous ? Et bien tout se tient parfaitement, la maîtrise de Castellari aidant et donnant au film un aspect westernien qui s'affirmera encore dans la suite, plus orientée action. Le réalisateur gère parfaitement sa caméra, offrant plusieurs plans assez jolis et magnifiant les décors dont il dispose (des terrains vagues, des immeuble en ruine... donnez ça à un tâcheron, et il vous rend un film hideux et redondant). La trame se laisse suivre sans encombres majeures, malgré quelques mollesses dans le rythme, tout à fait pardonnables néanmoins.
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Un an plus tard,
Castellari livre la suite de son chef d'oeuvre, toujours avec Mark
Gregory, opposé cette fois-ci à l'immense Henry
Silva, déterminé à raser le Bronx – et ses
habitants s'il le faut – pour le compte d'une entreprise
immobilière véreuse. Le face-à-face est bien sûr
grandiose, et n'a rien à envier au premier volet des aventures
du grand Trash, bien au contraire. Cette fois-ci Castellari tape dans
l'action à gogo, le défouraillage pur et dur. Plus
question de discuter autrement qu'avec les flingues et les biceps, et
ce n'est pas le spectateur qui s'en plaindra, vu que Les Guerriers
du Bronx 2 va à 200 à l'heure, là où
son prédécesseur traînait parfois la patte.
Toutefois, cette séquelle n'abandonne pas le sous-texte évoqué plus haut et maintient toujours le cap pour un Mark Gregory déterminé à ne céder à aucune donzelle. Là où le film fait encore plus fort que le premier opus dans la caractérisation du héros, c'est lorsque Trash pleure à torrents de larmes le cadavre de sa môman chérie, carbonisée par les sbires de Silva, qui pour la peine se sont pris des bastos en plein buffet – bien fait ! Notons au passage, comme si ce n'était pas assez, comme si le spectateur n'était pas déjà convaincu de la nature profonde de Trash, que ses parents disposaient d'un photo grandeur nature de leur fiston adoré dans le salon. C'est incroyable, c'est du jamais-vu, c'est l'esprit Guerriers du Bronx dans toute sa splendeur.
Bourré jusqu'aux yeux de répliques inoubliables (''Haut les mains sale enculé ! - Enculé toi-même !'' ou encore : ''Mais tu oublies que j'aime me masturber !''), accumulant un nombre considérable de cadavres tombés au ralenti (la griffe Castellari !), Les Guerriers du Bronx 2 est tout simplement ce qu'est Aliens à Alien : un idéal de suite, qui promet beaucoup, et qui offre encore plus.
En résumé, le diptyque des Guerriers du Bronx est absolument incontournable. Ne vous laissez pas abuser par les adeptes indécrottables du cinéma de bon aloi, et savourez avec délices cette saga improbable, joyeusement kitsch, parfois franchement déroutante (le batteur qui joue seul dans un terrain vague...), remplie de détails hallucinants (dont une chute à moto visiblement pas prévue, et qui laisse de ce fait pantois) mais toujours honnête avec elle-même : that's entertainement !
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Disponibles en DVD zone 2 français, en coffret ou
à l'unité