Longue nuit de l'exorcisme, La

La Longue nuit de l'exorcisme (Non si sevizia un paperino / Don't torture a duckling), Lucio Fulci (1972)
 

 
Sous ses faux airs de giallo, auquel il emprunte certains codes (titre énigmatique - littéralement Ne torturez pas un caneton , meurtrier en série, femmes d'une beauté troublante), La longue nuit de l'exorcisme s'en distingue pourtant à plusieurs niveaux. D'abord, le cadre de l'histoire: au lieu des grandes villes italiennes ou américaines auxquelles le genre est habitué, nous sommes içi dans la campagne profonde italienne, emprunte de superstitions. Pas de meurtrier aux gants noirs et aux méthodes raffinées et sadiques; le tueur est plutôt "rustre" dans ses manières (strangulation et coups de trique sur la nuque). D'ailleurs, les meurtres ne sont pas montrés, ou alors très fugitivement. Enfin, point de démarcation très important par rapport aux gialli traditionnels, les victimes du tueur ne sont pas des brunes pulpeuses aux yeux de chats, mais de jeunes garçons. Autant de points qui contribuent à faire de La longue nuit de l'exorcisme un film assez original dans son approche...



Au niveau de la réalisation, Fulci montre sa maîtrise, sans trop en faire. Quelques plans d'une beauté troublante suffisent à identifier la patte du maître (notamment la scène de la rencontre entre la petite fille et Barbara Bouchet (magnifique), éclatante de blancheur lorsque la petite apparaît avec la ville à l'arrière-plan). Les célèbres zooms, qui semblent gêner tout le monde chez Bava ou Fulci, sont bien présents, rassurez-vous. Cela dit, ceux-ci restent assez discrets et ne sont pas aussi appuyés que chez Bava père.

Les acteurs assurent. Fulci s'étant toujours contrefoutu de sa direction d'acteurs, ceux-ci sont en roue libre, et ça se voit parfois un peu trop, d'où certains passages un peu too much (la scène de pétage de plombs de la troublante Florinda Bolkan lors de l'interrogatoire). Mais dans l'ensemble, le casting est loin d'être ridicule. La sensuelle Barbara Bouchet, pendant "civilisé" de la champêtre Florinda Bolkan, est un peu l'archétype des actrices fulciennes. Une vraie beauté avec un regard.. mmm... M'enfin c'est pas le sujet, hein... Outre ces deux femmes, c'est assez quelconque, mais pas scandaleux.



On retrouve dans La longue nuit de l'exorcisme certains prémices des futures caractéristiques de l'âge d'or fulcien; tout d'abord une  extrême attention est portée au regard sous ses multiples formes (le film commence par l'idiot du village tentant de mater une partie de jambes en l'air, il y a beaucoup de gros plans sur les yeux, etc... mais rien d'aussi poussé que dans les futurs chefs d'oeuvre).
Ensuite le thème de l'innocence et de l'enfance perverties et souillées. En effet, la petite sourde-muette et "retardée" est une cible (je n'en dis pas plus pour pas dévoiler trop le scénario), de même que les deux marginaux (le débile et la sorcière). Comme dans La maison près du cimetière ou La malédiction du pharaon, l'enfance est soumise à diverses attaques, à travers la sourde-muette, mais surtout les meurtres perpétrés. Comme dans
Frayeurs (la scène de la perceuse) ou Soupçons de mort (le vagabond poursuivi - et rattrapé - par la voiture), la marginalité est elle aussi malmenée: la scène vomitive du lynchage de Florinda Bolkan est à ce titre significative. La violence extrême de cette scène annonce également les débordements géniaux des films plus connus et estimés de Fulci. Les maquillages incroyables et excellents de Gino de Rossi y sont pour beaucoup.




Mais tout n'est pas parfait dans ce film. Si le scénario est de bonne facture, maintenant l'identité du tueur inconnue jusqu'à la scène finale, il n'échappe pas à la présentation de grossières fausses pistes - tout cela passe néanmoins sans problème. Le gros problème de ce film vient de sa conclusion. Outre un effet très spécial nous présentant le plus beau mannequin en mousse de l'histoire du septième art, un peu comme si tous les efforts avaient été concentrés dans le lynchage, la nunucherie des images est assez désarmante. C'est certes un reflet des motivations naïves du tueur et de son mental fragile, mais que tout ceux qui auront vu cette scène sans pouffer de rire, ou au moins esquisser un sourire poli me jettent la première pierre. C'est bien sûr dommage, car l'ambiance, comme souvent chez Fulci, est soignée pendant tout le film, distillant un mélange de mystère et de sensualité.


Reste un très bon film, se laissant suivre sans grand ennui, avec une ambiance qui lui est propre. La touche Fulci est bien présente. Certes pas son meilleur film, mais en tout cas, à mon avis, une étape essentielle dans sa filmographie.



02/01/2008
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