Oiseau au plumage de cristal, L'

L'Oiseau au plumage de cristal (L'Uccello dalle piume di cristallo), Dario Argento (1970)



Coup d'essai, coup de maître pour Dario Argento. Lorsqu'il réalise en 1970 L'Oiseau au plumage cristal, son premier film, après avoir déjà acquis une certaine expérience en tant que scénariste (notamment sur Il était une fois dans l'Ouest), le jeune réalisateur est sans doute loin de se douter que son film relancera totalement un genre alors un peu moribond, le giallo, et que son nom sera reconnu internationalement jusqu'à constituer une référence. L'Oiseau au plumage de cristal est en effet une grande réussite, une oeuvre frisant la perfection, tant dans sa construction que dans sa mise en scène.

 

 

A Rome, Sam Dalmas, un écrivain américain, est témoin impuissant d'une tentative de meurtre ; le meurtrier, visiblement effrayé, s'enfuit et laisse sa victime pour morte. Celle-ci est heureusement toujours en vie, et Sam, en tant que seul témoin, est retenu à Rome par la police pour aider à la résolution de l'enquête.

 

 

On trouve déjà dans ce premier film tout ce qui fait la recette des gialli de Dario Argento : meurtrier raffiné aux motivations freudiennes qui s'attaque essentiellement à de jeunes femmes pulpeuses, si possible à l'arme blanche, sadisme accentué par une mise en scène entièrement vouée à l'esthétisme, seconds rôles farfelus (le peintre misanthrope, le maquereau bègue, l'indic qui commence toujours par dire le contraire de ce qu'il pense...), prépondérance des oeuvres d'art macabres, présence de ritournelles s'apparentant à des berceuses, titre obscur (L'Oiseau au plumage de cristal est le premier d'une trilogie "animale" que poursuivront Le Chat à neuf queues et Quatre mouches de velours gris)... Argento n'a pas dû tâtonner longtemps pour trouver la bonne formule.

 

 

La scène de la tentative de meurtre, au début du film, outre le fait d'être une véritable leçon de mise en scène, exploite l'impuissance de Sam, prisonnier entre deux vitres qui l'empêchent d'appeler au secours ou d'intervenir, le réduisant à un rôle de témoin, rôle qu'occupe donc forcément le spectateur à son tour, questionnant ainsi sa condition de voyeur. Argento, par ce processus, conforte celle-ci : pas question de renier la perversité basique de l'amateur de giallo, l'architecture des décors se fait au contraire complice du metteur en scène pour emprisonner le témoin et la victime. Tout au long du film, les victimes seront prisonnières de murs infranchissables : la compagne de Sam tentera en vain de briser les vitres de la grande fenêtre de son appartement, puis constatera avec horreur que les fenêtres de sa salle de bains sont scellées par d'épais barreaux ; la jeune fille tuée dans l'ascenseur est comme prisonnière de la structure triangulaire des escaliers... De même, le peintre vit isolé dans une baraque où les portes sont condamnées et les fenêtres scellées... L'importance des décors ne sera pas démentie dans les films suivants d'Argento (on pense au pensionnat de Suspiria ou aux décors urbains des Frissons de l'angoisse).

 

 

Le film bénéficie en outre d'une très bonne partition de Morricone, qui poursuivra sa collaboration avec le réalisateur dans les deux autres films de la trilogie animale.

 

Le terme chef d'oeuvre ne me semble donc pas usurpé pour ce film à la mise en scène millimétrée (Argento avoue ne pas être capable de tourner sans storyboard très précis), qui délivre des moments de tension franchement réussis, une esthétique léchée (tous les scènes de violence sont des modèles du genre) et quelques passages singuliers portant la patte caractéristique d'Argento). A voir, à revoir, à montrer à l'école, etc...

 

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disponible en dvd zone 2 français



02/01/2008
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