Priez les morts, tuez les vivants
Priez les morts, tuez les vivants (Prega il morto, e ammazza il vivo), Giuseppe Vari (1970)
Devant un titre aussi mémorable, on se dit qu'il y a intérêt à ce que Giuseppe Vari assure les promesses contenues dans ces six cinglants mots. On veut de la violence, des salauds couverts de crasse et des colts chargés à bloc. Et bien tenez-vous bien, on a encore mieux que ça.
En effet, Priez les morts, tuez les vivants est un idéal de western. D'une part, sa structure est assez atypique ; la première partie du film est un huis-clos très bien mené, qui voit John Webb (Paul Sullivan, alias Paolo Casella) se proposer de conduire la bande de Dan Hogan (Klaus Kinski) au Mexique pour jouir tranquillement de son or – volé, of course - à l'abri des rangers. Toutefois la petite bande se méfie quelque peu – il faut dire que Webb a occis le guide pour prendre sa place... S'ajoute à ça que la dame chargée d'amener l'or tarde à venir, et que l'auberge où doit se passer le rendez-vous accueille des visiteurs qui deviennent otages par la force des choses... On suit donc les relations plutôt tendues entre la bande, les otages et le mystérieux Webb tandis que l'or se fait attendre. Paranoïa, énervement, taquineries, coups de sang, tout ce qui constitue le propre de ce type de situation est parfaitement rendu grâce à des acteurs au poil, à commencer, bien sûr, par le grand Kinski. La bande-son de très bonne qualité joue également un rôle dans la réussite de ce huis-clos. La seconde partie voit la troupe partir vers le Mexique, guidée par Webb, et vire rapidement au jeu de massacre, chacun voulant sa part de gâteau et ne sachant plus à qui se fier...
Scénario linéaire, réalisation sobre se concentrant sur l'essentiel tout en soignant quelques passages de bien belle manière (la femme qui s'enfonce lentement dans les sables mouvants sous le regard impassible de Kinski...), musique parfaite.... Vari ne cache pas ses ambitions : livrer un film violent, où tout le monde est susceptible de tirer dans les pattes de l'autre à tous moments. Pas de fioritures, l'ambiance est pesante du début à la fin. Si la deuxième partie pourrait paraître moins oppressante, puisqu'elle se dégage du huis-clos, ce n'est pourtant qu'une apparence : prisonniers des sables, de la soif et de paysages redondants, les personnages sont au contraire plus prisonniers du décor que lorsqu'ils étaient contraints d'attendre dans l'auberge... Un petit tour de force que réussit Vari, grâce à un sens aigu de la narration qui parvient à faire ressentir au spectateur la lassitude des personnages sans pour autant la lui transmettre...
En bref, Priez les morts, tuez les vivants est une excellente surprise, qui se révèle être un film sans concessions (si ce n'est dans sa toute fin), porté par la magistrale composition de Kinski qui, comme d'hab', éclipse un peu le reste du casting, quoique Paul Sullivan fasse preuve d'une belle présence. Western original dans son approche, plaisant et bien emballé, Priez... est une perle à côté de laquelle on aurait bien tort de passer.
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Disponible en DVD zone 2 français