Qui l'a vue mourir ?

Qui l'a vue mourir ? (Chi l'ha vista morire? / Who saw her die ?), Aldo Lado (1972)

 

Aldo Lado est un réalisateur italien des plus élégants. C'est du moins mon constat après les vision de ce giallo classieux et du Dernier train de la nuit, chroniqué il y a quelques semaines. Dans ces deux films, il a en effet l'art de transcender des scénarios pas toujours faciles à appréhender pour un cinéaste. Si dans Le Dernier train de la nuit nous avions affaire à un calque de La Dernière maison sur la gauche, sublimé par l'époustouflante  gestion de l'espace de Lado, le script pour le moins embrouillé de Qui l'a vue mourir ? ne tient pas la longueur et égare le spectateur de bonne volonté au bout de trois quarts d'heure. Mais qu'importe, l'ami Aldo s'occupe de nous distraire !

 

 

La première partie du film voit la fille d'un sculpteur, incarné par George Lazenby (l'éphémère James Bond d'Au Service secret de Sa Majesté) épiée, traquée, puis finalement assassinée par une mystérieuse silhouette habillée en veuve. Délivrant un crescendo très bien tenu et impliquant fortement le spectateur (il faut dire que la petite Nicoletta Elmi est bluffante de naturel), Aldo Lado exploite parfaitement la musique de Morricone, sorte de comptine macabre et obsédante (qui donne son titre au film) qui ponctue les moments de tension pour exploser et délivrer tout son sens dans une ronde enfantine au centre de laquelle se trouve la petite juste avant le moment fatal... Du grand art.

 

 

La seconde partie en revanche, dans laquelle Lazenby tente de retrouver l'assassin de sa fille, se retrouvant ainsi à son tour la cible du tueur, plonge vite dans l'imbroglio scénaristique... Difficile de s'y retrouver parmi la pléthore de personnages qui apparaissent et disparaissent au gré d'un script brouillant sans doute volontairement les marques du spectateur. Ce qui laisse à celui-ci le soin d'admirer les nombreuses idées de mise en scène, qui, sans avoir recours à des artifices techniques, rivalisent d'ingéniosité (scènes en vue subjective entrecoupées de brefs aperçus du visage du tueur, impossible à identifier de par leur rapidité ; changements brusques de points de vue assez bluffants - notamment lors de la première approche de la petite fille par le tueur, devant le marchand de glace, etc...). Sans parler d'un sens du cadrage magistral et d'une Venise rendue bien louche par la photographie impeccable.

 

 

La ville de Venise s'accorde en effet parfaitement à l'atmosphère de perversion qui plane sur le film. On ne sait jamais trop sur quel pied danser quant aux motivations et aux orientations sexuelles de la majorité des personnages. Meurtres d'enfants, paroles ambiguës, incestes par procuration (le fils infirme qui regarde des vidéos de sa mère en pleine "partie fine")... Le scénario a beau partir un peu dans tous les sens, il arrive néanmoins à instaurer un climat singulier, finalement très fidèle aux codes du giallo, genre pervers et érotique par excellence (par essence ?).

 

 

Qui l'a vue mourir ? est donc une véritable petite perle, pour peu que l'on lui passe son scénario décousu. Habile, inventif, et surtout très classe dans sa manière de filmer, Aldo Lado est quant à lui un réalisateur rarement cité quand on évoque le cinéma de genre italien, mais qu'il convient pourtant de mesurer à sa juste valeur...



02/01/2008
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